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Débat sur les ondes

Le 6 juin 2013

Le 31 janvier dernier, les députés ont, en séance plénière, reporté sine die l’examen de la proposition de loi EELV visant à instaurer un principe de précaution pour limiter les risques sanitaires liés à l’exposition aux appareils sans fil, après avoir assez largement vidé de son contenu le texte en commission. La proposition de la députée Laurence Abeille avait pourtant le mérite d’avancer certaines solutions à la question épineuses des risquées liés aux ondes électromagnétiques pour les humains : définition d’un nouveau seuil basé sur le principe « As Low As Reasonably Achievable », c’est-à-dire aussi bas que possible ; interdiction du Wifi en crèche et préférence au filaire dans les lieux publics ; étude d’impact obligatoire avant la mise en œuvre de toute nouvelle technologie provoquant des rayonnements électromagnétiques (dont la 4G).

Réagissant à la dénaturation de son texte, sa principale signataire a dénoncé l’opposition du gouvernement et notamment de la ministre déléguée à l’économie numérique, Fleur Pellerin, qui selon Mme Abeille cherche avant tout à préserver les intérêts économiques et à ne « pas froisser les opérateurs et fabricants de téléphonie ». On ne peut que lui donner raison lorsque l’on sait les enjeux économiques derrière l’industrie des télécommunications, en particulier avec le déploiement de la 4G aujourd’hui, qui représente, selon les mots mêmes de Mme Pellerin, « un investissement de 3 milliards sur les cinq prochaines années et des dizaines de milliers d’emplois ».

 

Pris entre deux feux – impératifs de santé publique et impératifs économiques – la plupart des responsables politiques bottent donc en touche, affirmant attendre pour se décider les résultats de deux études qui devront être publiées prochainement sur le sujet :

 

- L’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) doit actualiser, d’ici à juin, l’avis qu’elle avait rendu en 2009, alertant sur les dangers des ondes et recommandant la mise en œuvre du principe de précaution.

 

- Le Copic (comité d’expérimentation sur l’abaissement de l’exposition du public), mis en place lors du Grenelle des ondes organisé en 2009, doit également se prononcer sur la faisabilité d’un abaissement du seuil d’exposition du public à 0,6 V/m et sur ses conséquences non seulement sur la qualité du service mais sur l’exposition globale liée notamment aux récepteurs (des antennes moins puissantes supposent des récepteurs plus puissants). Ce comité est présidé par le député (PS) de l’Isère François Brottes, réunit tous les acteurs du secteur et a déjà organisé plusieurs expérimentations grandeur nature dans certaines collectivités.

 

Or l’association Robin des toits, membre initialement du Copic, en dénonce désormais les travaux. Selon elle, les dés seraient en effet « pipés » depuis que l’ANFR (Agence Nationale des Fréquences), qui pilote les travaux, ne respecterait plus le cahier des charges des expérimentations définit en 2009-2010 par l’ensemble des acteurs. En conséquence, l’association a quitté le 28 janvier dernier le Copic et a adressé une lettre ouverte aux parlementaires le 14 mai leur demandant un arbitrage.

 

Le débat technique actuel concernant l’expérimentation technologique sur la puissance des antennes relais ne doit toutefois pas occulter l’enjeu principal qui est la réduction de l’exposition de la population aux ondes électromagnétiques. Cette exposition est la combinaison des émissions des antennes relais, donc de leur puissance et de leur nombre, des émissions wifi et des émissions des « récepteurs » c’est à dire nos téléphones mobiles.

ONDES

S’il n’y a que des soupçons – et non pas des certitudes – concernant les risques sanitaires induits par les ondes, leurs effets biologiques sont eux avérés. Pour la première fois, une étude sur des jeunes rats, conduite par l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) et l’université de Picardie Jules-Verne, publiée par la revue Environnement Science and Pollution Research et rendue publique mercredi 3 avril 2013, conclut à des effets biologiques des radiofréquences sur les fonctions de l’équilibre énergétique. Le sommeil, la régulation thermique et la prise alimentaire sont perturbés. Les chercheurs soulignent en outre que les rongeurs ont un comportement alimentaire et suivent des rythmes biologiques assez similaires à ceux des nouveau-nés et que leur régulation thermique est transposable à l’homme. Dans son avis de 2009, l’ANSES avait rappelé que le principal risque d’exposition et de doutes quant aux effets sanitaires est le récepteur plus que l’antenne. Aussi appelait-elle au principe de précaution pour les publics à risque, et notamment les enfants.

 

Bien que n’aient été démontrés pour le moment que des liens d’association (et non de causalité) entre les ondes électromagnétiques et certaines maladies humaines (cancer notamment), les risques sanitaires liés à l’exposition aux ondes sont pris très au sérieux par la communauté internationale – plus peut-être que par nos responsables nationaux. Ainsi, en juin 2011, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), structure rattachée à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a classé comme « cancérogènes possibles » les champs électromagnétiques de radiofréquence, dont ceux de la téléphonie mobile. A l’étranger, la Grèce, la Belgique, l’Autriche ont limité l’exposition à 3 V/m (alors que le seuil est de 41 V/m en France). La ville de Salzbourg, en Autriche, est descendue à 0,6 V/m. Ce seuil d’exposition est d’ailleurs recommandé par le Conseil de l’Europe dans sa Résolution 1815. Enfin, en Italie, le 12 octobre 2012, la Cour de cassation a accepté pour la première fois de reconnaitre victime d’une maladie professionnelle un plaignant atteint d’une tumeur à un nerf cérébral du fait de l’utilisation intensive du téléphone portable (5/6h par jour) dans le cadre de son travail. Face à ces avancées à l’échelle internationale, on ne peut que regretter l’attentisme de nos pouvoirs publics.

ONDES-antenne

Au-delà, ce débat de santé environnementale est exemplaire de notre approche des enjeux écologiques. Le téléphone portable est devenu un bien universel et très largement uniformisé. S’il était confirmé que ce totem de la société moderne avait un impact sanitaire, toute une génération serait mondialement affectée. La question n’est pas purement technologique, elle est sociétale. Saurions-nous renoncer au totem de la consommation moderne au nom du principe de précaution qui trouve ici une application potentielle ?

http://ecolo-ethik.org/preambule-2/

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