INERIS – Une étude ultra-light
– une seule source d’émission
Une étude conclut aux effets biologiques des ondes électromagnétiques
Publié par : LE MONDE
Le : 04.04.2013
****************************
Quels peuvent être les effets d’une exposition aux champs électromagnétiques, comme ceux générés par les antennes-relais de téléphonie mobile qui fleurissent sur les toits des immeubles et parfois des écoles ? Existe-t-il un réel risque sanitaire pour les riverains, comme le soupçonnent certaines associations ? La littérature scientifique s’est multipliée ces dernières années sans conclure à un risque avéré, laissant les personnes dites « électrosensibles » dans l’incompréhension.
Pour la première fois, une étude sur des jeunes rats, conduite par l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) et l’université de Picardie Jules-Verne, publiée par la revue Environnement Science and Pollution Research et rendue publique mercredi 3 avril, conclut à des effets biologiques des radiofréquences sur les fonctions de l’équilibre énergétique. Le sommeil, la régulation thermique et la prise alimentaire sont perturbés.
Le niveau d’exposition auquel ont été soumis les rats, expliquent les chercheurs, correspond à celui rencontré à proximité d’une antenne-relais. Treize jeunes rats ont été exposés en continu pendant six semaines à des ondes d’une fréquence de 900 MHz et d’une intensité de 1 volt par mètre (V/m), beaucoup plus faible que les seuils légaux. Un groupe témoin de 11 rats a été constitué, non soumis à ces champs électromagnétiques.
LES RATS RÉDUISENT LEUR STRATÉGIE DE REFROIDISSEMENT
Les chercheurs soulignent que les rongeurs ont un comportement alimentaire et suivent des rythmes biologiques assez similaires à ceux des nouveau-nés et que leur régulation thermique est transposable à l’homme. L’expérience a été répétée deux fois, avec des résultats cohérents.
L’expérimentation montre des effets des radiofréquences sur la régulation thermique : lorsqu’ils sont soumis à une augmentation de la température ambiante, les rats exposés aux ondes réduisent leur stratégie de refroidissement. Les animaux contractent leurs vaisseaux périphériques pour conserver la chaleur (vasoconstriction), comme s’ils ressentaient une sensation de froid, alors qu’ils ont plus chaud. Ils économisent leur énergie, comme s’ils en avaient un besoin accru.
Pourquoi ? « Nous n’avons pas de réponse. Nous constatons seulement que l’animal ne ressent pas la chaleur. L’adaptation à la température est modifiée », explique René de Seze, directeur de recherche à l’Ineris.
UNE PRISE ALIMENTAIRE PLUS IMPORTANTE
Par ailleurs, les chercheurs ont observé que les animaux exposés n’avaient pas la même sensation de satiété que les rats non exposés. Ils constatent une prise alimentaire plus importante chez les rats soumis aux ondes. Les mécanismes d’économie d’énergie chez les rats exposés pourraient donc conduire à une augmentation de la masse corporelle.
Dernier enseignement : les rats soumis aux radiofréquences présentent un fractionnement du sommeil paradoxal, comme si les animaux étaient en état d’alerte. Les chercheurs soulignent qu’il ne s’agit pas de troubles du sommeil au sens strict, mais précisent que des perturbations du sommeil paradoxal pourraient « engendrer des difficultés de mémorisation ou des troubles de l’humeur chez l’homme ».
« Ce que nous constatons, c’est qu’à de très faibles niveaux d’exposition, les effets sont réels sur le métabolisme, explique René de Seze. Il faut maintenant que d’autres laboratoires mènent des expériences similaires pour confirmer ou infirmer nos conclusions. »
« LES EFFETS DÉCRITS NE SONT PAS SANITAIRES »
Chercheur à l’université de Bordeaux, Bernard Veyret, qui n’a pas participé à l’étude, est plus prudent : « Ces résultats sont assez contre-intuitifs. L’étude de l’Ineris montre qu’il se passe quelque chose, mais j’ai un doute sur les niveaux réels d’exposition aux champs électromagnétiques. Les animaux sont appareillés. On leur place des sondes, des câbles, qui peuvent avoir des interférences avec les ondes. Par ailleurs, il faut bien préciser que les effets décrits sont des effets biologiques et non pas sanitaires », rappelle-t-il.
Ce spécialiste des champs électromagnétiques réalise depuis 1985 des études sur les effets des radiofréquences sur la croissance des tumeurs, la reproduction ou le système immunitaire. « Nos conclusions, c’est qu’il ne se passe rien. Jamais nous n’avons observé quoi que ce soit de significatif. »
Sophie Landrin