Témoignages vidéos d’EHS

Ondes : serons-nous tous bientôt atteints d’électrosensibilité ?

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Une proposition de loi EELV vise à faire preuve de « sobriété » dans l’exposition aux ondes et aux champs électromagnétiques, alors que les personnes disant en souffrir seraient de plus en plus nombreuses.

Des personnes pénètrent, le 2 octobre 2009, dans le premier refuge anti-ondes de France, près de Crest (Drôme).
Des personnes pénètrent, le 2 octobre 2009, dans le premier refuge anti-ondes de France, près de Crest (Drôme). (PHILIPPE MERLE / AFP)
Par Catherine Fournier

On les appelle les EHS. Les électrohypersensibles sont ces personnes qui affirment souffrir d’une allergie aux ondes et aux champs électromagnétiques. Elle se terrent chez elles ou en « zone blanche », à l’abri de toute exposition aux objets émetteurs (antenne-relais, téléphones portables, bornes wifi…). Dans leur proposition de loi examinée jeudi 23 janvier à l’Assemblée, des députés EELV demandent à ce que l’électrosensibilité soit définie dans le Code de l’environnement.

Les symptômes (brûlures et picotements, maux de tête, vertiges, nausées…) peuvent-ils toucher un jour une plus grande partie de la population ? Sont-ils sous-estimés ? Alors que le niveau d’exposition augmente, avec notamment le déploiement de la 4G, francetv info a interrogé les différents acteurs mobilisés sur la question. Tour d’horizon.

Une pathologie encore non reconnue en France

Si l’hypersensibilité électromagnétique est considérée comme un handicap en Suède, un débat est toujours en cours sur la reconnaissance et l’explication de cette pathologie en France. Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lui consacre un article sur son site depuis 2005, il a fallu attendre 2009 pour que le ministère de la Santé français se saisisse du problème. A l’issue du Grenelle des ondes, Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, a annoncé le lancement d’une étude clinique autour ce trouble, confiée à une équipe de l’hôpital Cochin dirigée par le professeur Dominique Choudat. Lancée en février 2012, celle-ci est toujours en cours, et a donné lieu à la mise en place d’une vingtaine de centres de consultations en France, listés sur ce site consacré à l’électrosensibilité.

De son côté, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’environnement (Anses) a annoncé le lancement d’une étude spécifique sur la question. « On attend des résultats, et notre groupe de travail va s’emparer de la question en novembre, pour des conclusions espérées fin 2014-début 2015 », expliquait Olivier Merckel, chercheur à l’agence, à francetv info. En octobre dernier, l’Anses a également publié un rapport sur les effets des ondes sur la santé, et pointé de possibles conséquences biologiques (modifications de l’organisme), sans toutefois qu’un lien avec une pathologie ne soit établi. L’agence sanitaire notait en revanche un « développement spectaculaire et permanent des technologies et des usages ».

Des centaines de personnes en consultation

Le monde médical est divisé sur la question. Un rapport sénatorial publié en 2010 résume la démarche du professeur Choudat, qui privilégie une approche psychiatrique de l’électrosensibilité. Ce que fustigent les associations. « Aucune anomalie physiologique pouvant expliquer ces symptômes n’a pu être mise en évidence », peut-on lire dans ce document. Ces symptômes peuvent ainsi être consécutifs à « une situation dangereuse ou malsaine, ou à un choc ». « Une thérapie cognitive et comportementale est alors adaptée », est-il précisé.

« Ces troubles n’ont rien de psychiatrique », rétorque Laurent Chevallier, médecin nutritionniste contacté par francetv info. En 2012, il a lancé sa consultation de médecine environnementale dans une clinique de Montpellier, et reçoit des patients EHS. Assisté d’un neurologue, il a examiné environ 150 personnes. Et constaté que « 80% d’entre elles étaient migraineuses ». Selon lui, cette cause physiologique peut constituer « une vulnérabilité préalable » au développement d’une électrohypersensibilité. En l’absence d’étude plus approfondie sur le déclenchement de la pathologie, il propose tout de même un traitement à ses patients.

Autre consultation ouverte en marge de celles lancées sous la direction du professeur Choudat : le professeur de cancérologie Dominique Belpomme a déjà examiné 600 patients EHS en quatre ans dans une clinique parisienne. « A l’aide de tests, dont un écho-Doppler cérébral, nous avons notamment découvert que tous les EHS présentent un manque d’oxygène dans le cerveau, assure-t-il au MondeNous proposons un traitement, qui marche dans 15 % des cas. » Mais là encore, difficile à cette échelle de tirer des conclusions sur l’origine de ces troubles. 

« On est au tout début de l’histoire »

Pour les députés écologistes auteurs de la proposition de loi, il est urgent et prioritaire de mener une étude d’envergure sur les problèmes d’électrohypersensibilté. « La France est très mauvaise pour recenser les pathologies. En cause, notre faible culture de prévention en matière de santé », regrette auprès de francetv info François de Rugy, coprésident du groupe EELV à l’Assemblée. En matière d’ondes, « on est au tout début de l’histoire », estime-t-il, redoutant que de plus en plus de personnes se déclarent EHS.

Selon l’élu, il faut commencer par « identifier clairement les sources d’exposition aux ondes, largement sous-estimées. On ne parle que des antennes-relais mais leurs émissions sont loin d’être les seules ou les plus fortes ». « Tous les appareils, et pas seulement les téléphones portables, doivent ensuite faire l’objet d’une information sur leur niveau d’émission », ajoute-t-il.

Du côté des associations, on s’alarme de voir les sources d’exposition se multiplier, à l’extérieur comme à l’intérieur : « 90% des pollutions sont générées par les particuliers eux-mêmes à leur domicile, y compris à la campagne », évalue le président d’Une terre pour les EHS, Philippe Tribaudeau.

Une ampleur comparable à celle des allergies ?

Téléphone portable, téléphone sans fil, tablette, box, wifi, transformateurs électriques… « A force d’être exposé, et vu la vitesse à laquelle se développe la 4G, tout le monde risque de devenir plus ou moins électrosensible », prévient le militant associatif, comparant le phénomène à celui des allergies, qui touchent de plus en plus de Français. Il affirme avoir reçu « une avalanche de contacts » depuis six mois et note que le profil des EHS évolue : « Maintenant, ce sont des familles entières qui sont concernées. » En un mois, la carte interactive mise en ligne par l’association a recensé près de 900 EHS.

Joint par francetv info, Marc Cendrier, chargé de l’information scientifique de l’ONG Robin des toits, estime que le nombre de personnes atteintes d’électrosensibilité en France est sans doute comparable aux proportions évaluées en Suède, soit « environ 4% d’EHS déclarés [dans la population] et 10% si on ajoute ceux qui s’ignorent ». Une proportion « en croissance permanente en raison de la généralisation des émissions », selon lui, qui prédit « une catastrophe », tant sur le plan sanitaire qu’économique.

Si le ton est bien évidemment beaucoup plus mesuré du côté du gouvernement, Fleur Pellerin, la ministre déléguée à l’Economie numérique, semble avoir pris la mesure des enjeux. Comme le rappelle Le Parisien (article abonnés), celle qui mettait en garde contre les « peurs irrationnelles » liées aux ondes voici un an soutient aujourd’hui la proposition de loi des écologistes, qui « pose le principe de modération ».

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