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Sciences sous influence… d’intérêts privés

Source : Marianne par Marion Rousset

 

La toxicité de certains produits est avérée ? Mais comment font les industriels pour les imposer malgré tout sur le marché ? Dans « la Science asservie », la sociologue Annie Thébaud-Mony met au jour leur stratégie qui consiste notamment à se payer les services de chercheurs renommés…

 

L’histoire se répète. Hier, le plomb dans l’essence. Aujourd’hui, les pesticides. Demain, les nanotechnologies. Comment font donc les industriels pour imposer sur le marché des produits dont la toxicité est pourtant avérée ? Des médecins, des scientifiques et des militants ont tiré la sonnette d’alarme. Ils ont souligné le risque accru chez les personnes exposées de développer un cancer, une maladie neurodégénérative, des troubles de la fertilité, un diabète… Rien n’y a fait.

 

A tel point que manger, boire ou même respirer sans ingérer en même temps des molécules chimiques nocives pour la santé est devenu mission impossible. Et pour cause. Dans la Science asservie, un ouvrage à charge très convaincant, la sociologue Annie Thébaud-Mony met au jour la stratégie développée par les firmes avec efficacité depuis les années 20.

 

« Les scientifiques, dans leur majorité, ont été amenés à s’inscrire dans un processus de confiscation et de corruption de la science au service des intérêts privés de grands groupes industriels et de leurs actionnaires, avec la complicité active de l’Etat », affirme l’auteur. Le principe est simple : se payer les services de chercheurs renommés – des épidémiologistes en particulier – chargés d’instiller le doute. Quand la preuve de la dangerosité d’une substance est apportée, ces « experts » allument des contre-feux. Outre les menaces de procès, la riposte consiste à disqualifier leurs adversaires, réfuter leurs arguments, insister sur d’autres explications, notamment comportementales et génétiques. Et, en dernier recours, les industriels n’hésitent pas à jouer la carte de la « DJA », ou dose journalière admissible.

 

A propos du nucléaire, « l’acharnement des plus hauts responsables à faire disparaître au fur et à mesure de leur survenue les accidents et maladies radio-induits a permis l’installation d’hypothèses fausses, telles que celle de la « dose tolérable » », rappelle ainsi Annie Thébaud-Mony. Qu’importe que des rongeurs exposés à des doses infinitésimales de bisphénol A, longtemps présent dans les biberons, présentent des anomalies chromosomiques, le discours reste le même : en deçà d’un certain seuil d’exposition, pas d’inquiétude. Ou comment faire croire à l’innocuité d’un produit alors même que des études sérieuses ont démontré le contraire. Redoutable.

 

La Science asservie, d’Annie Thébaud-Mony, La Découverte, 224 p., 21 €.
http://www.marianne.net/Sciences-sous-influence-d-interets-prives_a243089.html

 

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