Témoignages vidéos d’EHS

Quand le vase déborde = l’intolérance aux ondes

 

André Fauteux | 9 janvier 2014 |
www.maisonsaine.ca

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Cage de Faraday mise à la terre afin de protéger un dormeur des champs électromagnétiques. Photo : next-up.org

La vie de Brigitte a basculé le 25 janvier 2012. « J’ai ressenti une explosion dans ma tête. J’ai été prise de vertiges qui m’ont fait tomber par terre. Mon cœur palpitait tellement que je pensais que je faisais un arrêt cardiaque. C’est une semaine plus tard, en parlant à ma propriétaire, que j’ai découvert que les trois compteurs électriques de notre immeuble avaient été changés chez elle, sous mon appartement. J’ai ressenti ces douleurs intenses au même moment où les compteurs intelligents ont été installés à mon insu », relate Brigitte, qui habite le quartier montréalais de Villeray, l’un des premiers sélectionnés par Hydro-Québec pour recevoir les compteurs nouvelle génération émetteurs de radiofréquences (RF).

Depuis cette date, Brigitte est devenue sévèrement intolérante aux RF et autres champs électromagnétiques (CEM) émis par les appareils (filés et sans fil) et les fils électriques. « Acouphènes, insomnie, migraines, palpitations et oppression cardiaques, vertiges, nausées, tremblements intérieurs constants sont les symptômes avec lesquels je dois vivre quotidiennement depuis bientôt deux ans. Je souffre et j’ai mal tout le temps. Pour me soustraire à cette torture, je suis même partie dans le bois. Deux fois. La première en avril 2012, dans le temps de Pâques. Seule. Une petite maison tenue par les sœurs du Bon Pasteur. Je croyais que j’allais mourir tellement j’avais mal. J’ai compris ce que le Christ avait enduré dans son corps et son âme. Lui aussi a été un prophète à son époque comme le sont les électrohypersensibles aujourd’hui. J’ai coupé l’électricité. Après cinq jours, j’ai recommencé à entendre le chant des oiseaux. C’était tellement beau. Puis mes tremblements ont cessé le sixième jour. Après 10 jours, TOUS mes symptômes avaient disparu! »

De retour chez elle, ses symptômes reviennent après seulement une heure d’exposition. Elle se sent mieux en dormant sur des bancs de parcs, dans des voitures, sur le plancher enfariné d’une pâtisserie, chez des amis et dans d’autres endroits moins électropollués que l’appartement qu’elle habite depuis plus de 25 ans. Elle y passe « moins de trois heures par jour pour me changer, prendre un bain, prendre mes courriels et préparer mes repas. Depuis que je suis devenue électrohypersensible, je n’ai pu travailler et j’ai épuisé mes REER. » Elle visite d’autres logements, mais découvre avec effroi qu’ils sont soit insalubres pour elle ou deux fois plus chers que le sien.

Le plus difficile, dit Brigitte, en plus de la souffrance physique, c’est d’avoir perdu l’emploi qu’elle adorait. Avec un statut d’employée temporaire à temps complet, elle a été licenciée après avoir refusé d’être exposée quotidiennement à des fours micro-ondes. Le plus horrible, c’est aussi de ne pas être prise au sérieux, d’être jugée, même traitée de folle par son entourage, alors qu’elle leur explique qu’elle est restée la même, que seul son environnement physique a changé. Le premier médecin qu’elle rencontre à ce sujet ne la prend pas au sérieux : « J’étais sa première électrohypersensible, il m’a ri dans la face. Un an plus tard, il m’a confié :  » J’ai de plus en plus de cas comme vous, je veux m’excuser.  »» Grâce à de nombreuses recherches, elle rencontre un deuxième médecin, aujourd’hui à la retraite, qui connaît ce phénomène. Il lui confirme qu’il lui sera impossible de travailler dans ce genre d’environnement étant donné sa nouvelle condition.

L’année dernière, j’avais justement contacté ce même médecin, qui œuvre en santé publique, pour lui parler des personnes qui disent souffrir de l’électrosmog. Il a décliné ma demande d’entrevue. Les médecins et autres scientifiques sont très divisés au sujet des risques sanitaires que pourraient représenter la surexposition aux RF de type micro-ondes émises par les antennes de cellulaires et autres appareils communiquant sans fil. Ce dossier vise justement à savoir pourquoi certaines personnes, comme Brigitte, y seraient si intolérantes alors que, pour la plupart des gens qui y sont exposés quotidiennement, elles semblent inoffensives.

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L’oncologue Dominique Belpomme, professeur de médecine à l’Université Paris-Descartes.

Nouvelle méthode de diagnostic
L’oncologue parisien Dominique Belpomme traite la plus importante cohorte européenne — plus de 500 patients — de gens atteints de ce malaise du 21e siècle qu’il a nommé syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques (SICEM). « Chez ces malades, on a pu mettre en évidence l’existence d’une ouverture de la barrière hémato-encéphalique, en pratiquant des échodopplers cérébraux pulsés […] qui montrent l’existence d’une hypoperfusion vasculaire cérébrale, une augmentation de différents biomarqueurs de stress ou de souffrance cérébrale dans le sang (protéines de choc thermique HSP70 et HSP27, protéine 0-myéline, S100B) et un certain nombre de perturbations biologiques, telles une augmentation de l’histamine circulante et une baisse de la mélatonine urinaire », écrivait-il en 2010 dans un rapport publié par l’Association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse (ARTAC), qu’il dirige.

Selon ce rapport, le SICEM évolue en trois phases :
1. Maux de tête, acouphènes transitoires qui deviennent permanents, douleurs cutanées ou musculaires, troubles de l’attention et de la concentration, pertes de mémoire à court terme, oppression thoracique, tachycardie, troubles digestifs, etc.;
2. La phase d’état se caractérise par l’arrivée d’insomnie, de fatigue chronique, puis éventuellement de dépression, suivie d’irritabilité, de violence verbale et parfois de tendance suicidaire. Les symptômes inauguraux s’intensifient à chaque réexposition aux CEM, même de très faibles intensités;
3. L’évolution à distance dépend des mesures de précaution prises, de la nature des traitements mis en œuvre. Les risques sont plus sévères chez les fœtus, les enfants et les adolescents, plus sensibles car leur croissance n’est pas complétée. S’ils sont exposés aux CEM de façon persistante — par exemple, aux micro-ondes émises par le Wi-Fi —, ils risquent des « manifestations psychoneurologiques » graves (possiblement jusqu’à la psychose). « Chez l’adulte, l’évolution peut se faire soit vers une régression complète des symptômes, en cas de sevrage électromagnétique précoce [y compris l’abandon de lunettes métalliques agissant aussi comme une antenne], soit vers un syndrome confusionnel d’intensité variable […], soit enfin vers un véritable état de démence pouvant s’apparenter à une maladie d’Alzheimer du sujet jeune. »

Le Dr Belpomme évite le terme électrosensible, car tous les êtres vivants le sont, et distingue le SICEM de l’hypersensibilité électromagnétique (HSEM), terme utilisé par l’Organisation mondiale de la santé et la plupart des experts en la matière. Pour le Dr Belpomme, la personne électrohypersensible (EHS) est celle qui possède la très rare faculté de ressentir et d’attirer particulièrement l’électricité. Elle serait due au fait que le cerveau de la personne EHS contient des quantités anormales de magnétite transmise génétiquement ou parce que son corps contient passablement de métaux lourds ou d’implants métalliques. Comme les albinos, plus sensibles aux rayons solaires, les personnes EHS ne sont ni malades ni handicapées, souligne l’oncologue. Leur plus grande sensibilité est même un don précieux s’ils sont sourciers ou magnétiseurs.

Quant aux gens atteints de SICEM, comme Brigitte, ils sont vraiment malades et non des simulateurs ni des cas psychiatriques, insiste le Dr Belpomme, qui promet de faire publier les méthodes de diagnostic et de traitement qu’il a élaborées dans une publication scientifique. Les résultats de ses travaux en cours seront présentés dans le cadre de la foire Projet Écosphère Montréal, le samedi 7 juin prochain.

Dominique Belpomme dénonce d’ailleurs l’avis sur la HSEM publié en 2005 par l’OMS. Tout en reconnaissant que les symptômes de HSEM peuvent être handicapants, l’organisme international affirmait : « Il n’existe ni critères diagnostiques clairs pour ce problème sanitaire, ni base scientifique permettant de relier les symptômes de la HSEM à une exposition aux CEM. » « C’est un recul permanent de nature politique qui n’a rien de scientifique, réplique le médecin et chercheur français. L’OMS sera obligée de réviser son jugement dans les mois qui viennent. C’est un déni sociétal qui ne tient pas compte des connaissances actuelles, qui évoluent en permanence. »

Pour le Dr Belpomme, les CEM sont sans conteste la cause du SICEM : « D’abord parce que les symptômes apparaissent ou disparaissent spontanément selon la présence ou non de champs électromagnétiques; ensuite parce que l’étude physiopathologique de la maladie et les expériences réalisées chez l’animal permettent d’en expliquer les différentes phases cliniques; enfin parce que, comme cela est le cas chez l’animal, nos expériences actuelles permettent de reproduire les symptômes de la maladie, au moins chez certains malades, lorsqu’on les met en présence de tels champs. » Le chercheur espère pouvoir démontrer pourquoi certains patients sont plus sensibles que d’autres et pourquoi, au fil du temps, ils deviennent sensibles à des champs d’intensité de plus en plus faible. Ses recherches sont axées sur les origines génétiques et la nécessité de désintoxiquer le corps, notamment de métaux lourds.

Comme le tabagisme ne causera pas de maladie cardiorespiratoire chez tous les fumeurs, l’exposition quotidienne aux RF émises par des antennes et des appareils sans fil, comme des compteurs intelligents, n’entraînerait pas des problèmes de santé graves, à court ou à long terme, chez tous les individus. Mais l’absence de symptômes aigus n’indique pas que leur corps n’en souffre pas et que le vase n’est pas à la veille de déborder.

Un problème croissant

Un renard trouve une souris sous la neige grâce à son ouïe et en suivant sa trajectoire par rapport au champ géomagnétique.

 

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Photo : discovery.com

Nous sommes tous électrosensibles, car nos cellules et organes produisent l’électricité (fréquence autour de 8 hertz) nécessaire à leur fonctionnement, lequel est affecté par l’électricité ambiante, notamment les champs géomagnétiques (lire ce texte de Microwave News et visionner cette vidéo d’un renard qui localise une souris sous la neige). Par ailleurs, « environ 3 % des Canadiennes et des Canadiens ont reçu un diagnostic d’hypersensibilité environnementale, et ils sont beaucoup plus nombreux à souffrir d’une sensibilité quelconque aux traces de produits chimiques et/ou aux phénomènes électromagnétiques présents dans l’environnement », selon le rapport Le point de vue médical sur l’hypersensibilité environnementale, publié en 2007 par la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP).

En effet, déjà environ 10 % des Européens se disent atteints de symptômes d’intolérance aux ondes, selon le Dr Gerd Oberfeld, du ministère de la Santé publique de la province de Salzbourg, en Autriche, qui craint que cette proportion n’atteigne 50 % d’ici 2017. D’ailleurs, le tiers de la population est déjà atteint de symptômes modérés de HSEM/SICEM sans nécessairement s’en rendre compte, a confirmé en 2008 la chercheure ontarienne Magda Havas dans son étude Power Quality Affects Teacher Wellbeing and Student Behavior in Three Minnesota Schools.

Selon le rapport de la CCDP : « L’hypersensibilité environnementale peut apparaître graduellement à la suite d’une exposition chronique à des concentrations relativement faibles de produits chimiques, comme dans le cas du syndrome des bâtiments malsains, ou encore se manifester soudainement après une exposition majeure, par exemple lors d’une catastrophe écologique ou d’un déversement de produits chimiques. Cette affection peut être provoquée par des facteurs comme les moisissures, les pesticides, les solvants, les produits chimiques qui se dégagent des tapis ou des meubles et les phénomènes électromagnétiques, seuls ou combinés. » Elle affecte plusieurs organes mais principalement le système nerveux, empêche les personnes les plus sévèrement atteintes de travailler, est souvent doublée de fatigue chronique, de fibromyalgie, d’asthme, d’hypothyroïdisme, de migraines, d’arthrite et d’autres problèmes de santé, et « l’évitement des déclencheurs est essentiel pour recouvrer une bonne santé ».

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Les routeurs Wi-Fi utilisés dans les écoles sont souvent cent fois plus puissant que les modèles domestiques.

Dans nos villes inondées de micro-ondes, aujourd’hui plusieurs personnes trouvent normal de souffrir de maux de tête, d’acouphènes, de fatigue, d’insomnie et d’autres problèmes de santé qu’elles ne lient pas à l’exposition aux CEM, car elle se produit à leur insu, souligne la biologiste Maria Acosta, fondatrice de l’organisme Basses-Laurentides Refuse, qui milite contre l’installation des compteurs intelligents (CI). « Les gens qui disent être devenus électrosensibles du jour au lendemain se trompent, explique Maria Acosta. Il ne faut pas oublier que les effets des CEM et autres polluants sont cumulatifs et que la plupart des gens sont entourés de bébelles sans fil. Des symptômes anodins apparaissent d’abord et le CI est la goutte qui fait déborder le vase en déclenchant des symptômes parfois aigus. Nous devons nous concentrer sur les enfants, beaucoup plus fragiles, qui sont irradiés à l’école par le Wi-Fi, ensuite à la maison et maintenant par les CI, le tout à leur insu. Je crois que c’est pour cette raison que des enfants qui semblent « normaux » (aujourd’hui se coucher après 20 h pour un jeune de moins de 14 ans c’est normal, les difficultés scolaires sont normales, tout comme la fatigue, etc.) réagissent immédiatement aux CI. D’une part, les gouvernements nous disent de réduire l’exposition des jeunes au cellulaire et, d’autre part, on installe le Wi-Fi partout dans les écoles et une tablette pour les bébés de deux ans vient d’être commercialisée. Il semble que nous n’avons aucun souci pour les enfants, car leur exposition aux ondes ne cesse d’empirer : la maman utilise la tablette pendant la grossesse, le cellulaire comme réveille-matin, en plus du Wi-Fi, puis bébé vient au monde et est exposé constamment au Wi-Fi à la maison, à la garderie, puis à l’école… »

« D’après ce que j’ai constaté, la plupart des gens qui deviennent électrohypersensibles semblaient avoir des facteurs prédisposants ou des sensibilités antérieures », confirme l’auteure et consultante en électrosmog australienne Lyn McLean, rédactrice en chef du trimestriel EMR and Health depuis 17 ans. Dans le cas de Brigitte, cette ex-fumeuse était devenue sensible aux odeurs contenant des produits parfumés d’origine pétrochimique. « Mais je pense que ce n’est qu’après avoir travaillé dans un immeuble moisi que je suis devenue électrosensible. Selon certaines études américaines, l’exposition aux moisissures en serait un précurseur. »

Effet nocebo et développements récents
Selon la vaste majorité des autorités de santé publique mondiales, les compteurs et réseaux intelligents et autres appareils sans fil seraient sans danger. Mais un consensus est loin d’être établi. Un nombre croissant d’études récentes indiquent que les risques de cancer et de HSEM augmentent chez les gens utilisant un téléphone sans fil pendant plus de 10 ans et ceux vivant à moins de 500 mètres d’une antenne relais de téléphonie cellulaire.

Des milliers de personnes devenues intolérantes aux CEM et leurs médecins rejettent aussi l’hypothèse de l’effet nocebo. Inverse de l’effet placebo, celui-ci consiste à provoquer des effets indésirables en croyant qu’une substance ou une pratique est indésirable. Pour Brigitte, il est évident que ses symptômes n’ont pas été causés par une quelconque peur des ondes. « Ce n’est qu’après l’incident du 25 janvier 2012 que j’ai découvert que les compteurs avaient été changés chez ma propriétaire et que derrière chez moi se trouvent, en plus, 15 antennes de télécommunication sur le toit de l’ancien hôpital chinois. Le plan des mesures de CEM de mon appartement fait par Stéphane Bélainsky [de la firme d’hygiène électromagnétique 3E] concorde parfaitement avec mes symptômes. »

L’hypothèse de l’effet nocebo fut la seule présentée dans l’article Électrosensibilité : la science en terrain délicat, publié dans La Presse+ le 30 novembre 2013. Signé par le journaliste Philippe Mercure, diplômé en génie à l’École Polytechnique de Montréal, cet article ne citait que deux scientifiques financés par l’industrie, le professeur de Polytechnique Thomas Gervais et le psychologue britannique James Rubin. Lire ici la réplique de la professeure Magda Havas à cet article à sens unique. Selon Magda Havas et plusieurs autres experts indépendants des effets des champs électromagnétiques, la réalité est bien plus complexe. Leurs études et expériences ont démontré que le meilleur traitement de la HSEM consiste à réduire l’exposition aux CEM (lire Champs électromagnétiques : douze façons de se protéger) et à dépolluer le corps (Électrosensibilité : comment se désintoxiquer).

L’intolérance électromagnétique est documentée depuis le début du 20e siècle et fut reconnue en 2000 comme maladie professionnelle par le Conseil des ministres nordiques représentant 11 pays. Ses symptômes, incluant la fatigue, la nausée et les problèmes de mémoire et de concentration, sont liés à l’usage d’écrans cathodiques et de transformateurs électriques et disparaissent dans les « environnements non électriques », affirmait son rapport intitulé The Nordic Adaptation of Classification of Occupationally Related Disorders (Diseases and Symptoms) to ICD-10. Et divers pays, comme l’Allemagne et l’Autriche, recommandent de réduire l’exposition aux RF, notamment en préférant des connexions internet câblées plutôt que le Wi-Fi.

En 2012, l’Association médicale autrichienne publiait une ligne directrice sur le diagnostic et le traitement des problèmes de santé liés aux CEM. Elle affirmait : « La principale méthode de traitement doit consister dans la prévention ou la réduction de l’exposition aux CEM, en prenant soin de réduire ou d’éliminer toutes les sources de CEM, si possible. » En juin de la même année, l’Environmental Health Clinic du Women’s College Hospital, affilié à l’Université de Toronto, reconnaissait cela également.

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Souffrance cérébrale
En général, l’intolérance électromagnétique se développe subtilement, progressivement, à cause de faibles agressions répétées au système nerveux, qui finit par s’épuiser, expliquait, dans le cadre de Projet Écosphère Montréal 2013, le Dr Roy Fox, expert en hypersensibilités environnementales (il est lui-même hypersensible aux produits chimiques) et ancien directeur médical du Environmental Health Center, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Les risques croîtraient avec l’exposition aux CEM et autres polluants présents dans les immeubles ou provenant de l’extérieur, et dépendraient de nombreux facteurs : susceptibilité génétique, présence corporelle de métaux captant les CEM, nombre, proximité et puissance des sources émettrices, intensité et durée de l’exposition, traumatismes physiques et psychologiques, hygiène de vie permettant ou non de récupérer, etc. C’est seulement quand les symptômes deviennent graves au point de les handicaper (arythmie, acouphènes, étourdissements et autres maux sévères) que la plupart des gens en cherchent les causes.

Les compteurs intelligents et leurs réseaux maillés implantés par les compagnies d’électricité émettent de très brèves micro-ondes pulsées en moyenne sept fois par minute, 24 heures par jour, selon un rapport indépendant produit par cinq médecins et un naturopathe de l’Orégon qui ont étudié le dossier pendant 18 mois. À 6 m d’un tel compteur, ils ont mesuré une densité de puissance de radiofréquences 100 fois plus élevée que le signal ambiant moyen mesuré dans un quartier résidentiel, selon l’auteur principal du rapport, le Dr Paul Dart. Ce niveau d’électropollution (variant de 362 à 493 microwatts par mètre carré) était supérieur à celui mesuré à 200 mètres d’une antenne relais de téléphonie cellulaire. Remplir un quartier de compteur intelligents et d’un réseau maillé qui leur permet de communiquer entre eux et avec le réseau électrique « équivaut donc à placer toutes les maisons à moins de 200 mètres d’une tour de cellulaires, chaque maison étant constamment tintée par le jacassement des multiples signaux de balise du réseau maillé, écrivent ces auteurs. Cela est déconcertant puisque de récentes recherches ont démontré, parmi les gens vivant jusqu’à 500 mètres d’antennes de cellulaires, une incidence supérieure de maux de tête, de difficultés de concentration et de problèmes de sommeil, ainsi qu’un risque significativement accru de certains types de cancer. […] Quand on tient compte de tous ces faits, il n’est pas surprenant que l’installation de réseaux de compteurs maillés dans des quartiers résidentiels de la Californie, l’année dernière, fut suivie d’une augmentation de preuves anecdotiques de maux de tête, d’insomnie et d’autres plaintes relatives à la santé. »

Selon ces auteurs, il est indéfendable de permettre d’augmenter ainsi les émissions de radiofréquences en milieu habité. Malgré l’absence de preuves concluantes irréfutables de risques sanitaires, il faut appliquer le principe de précaution et réduire l’exposition du grand public pour protéger les populations les plus vulnérables, comme les enfants et les femmes enceintes. Ils ajoutent que des preuves robustes démontrent que l’exposition chronique à l’électrosmog de faible puissance mais de haute fréquence accroît le nombre de personnes électrosensibles (qui compteraient pour jusqu’à 5 % de la population, selon eux) et produit divers effets biologiques nocifs : altération de la physiologie hormonale, accroissement de la production de radicaux libres, dommages génétiques et augmentation des risques de cancer et d’infertilité. « Les implications de ces recherches ne peuvent pas être écartées, elles ne doivent pas être ignorées ».

Ces compteurs sont dotées de deux puces qui sont des antennes émettrices-réceptrices permettant la lecture à distance de la consommation d’électricité : l’une utilise la fréquence 900 mégahertz (aussi utilisée par les téléphones sans fil classiques); la deuxième, de 2,4 gigahertz (fréquence des cellulaires et du Wi-Fi), sera activée plus tard afin que nos électroménagers puissent communiquer avec l’infrastructure de lecture à distance (LAD) d’Hydro-Québec. Celle-ci comprend 600 routeurs fournis par Rogers et qui seront installés sur des poteaux ou des immeubles à travers la province.

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« Les compteurs intelligents ne sont pas tous pareils, souligne l’expert en hygiène électromagnétique Andrew Michrowski, qui dirige la Société planétaire pour l’assainissement de l’énergie, sise à Ottawa. Beaucoup d’entre eux émettent presque continuellement pour maintenir la communication dans le réseau maillé provincial de LAD. Investir quelques cents de maillage par compteur suffirait pour réduire leurs effets sur la santé plusieurs milliers de fois, comme on le fait pour des questions similaires dans des installations gouvernementales et militaires dans le monde entier. »

Ce docteur en architecture ajoute que certains compteurs québécois dont il a mesuré les émissions sont particulièrement dangereux. « Des compteurs ou groupes de compteurs situés très près de zones habitées critiques, comme les chambres, émettent des émissions très fortes — se rapprochant même du Code de sécurité 6 laxiste de Santé Canada (qui ne tient compte que des risques de choc thermique à court terme et non des effets à long terme comme le cancer). Ils interagissent avec toutes les autres transmissions sans fil ambiantes et de nos gadgets et constituent une menace pour des populations entières. Ces types d’installations posent même de sérieux problèmes aux équipements intérieurs et au câblage. Elles risquent d’induire de très coûteux problèmes de sécurité additionnels pour la santé humaine ainsi que pour les infrastructures et les structures (risque de corrosion). Nous souhaitions expliquer tout cela à la Régie de l’énergie il y a environ deux ans afin qu’elle puisse proposer aux entreprises d’énergie électrique des paramètres et critères pour l’installation de compteurs intelligents en fonction des réalités géographiques du Québec. Malheureusement, Option consommateurs et Industrie Canada n’ont pas jugé que c’était pertinent. »

Pour sa part, l’ingénieur en électronique britannique Alasdair Philips, devenu une sommité en effets sanitaires des CEM après avoir acquis une intolérance aux ondes en 1986, explique un effet néfaste de la vie urbaine. « À moins de vivre en zone rurale, loin de nos voisins, la quasi-totalité d’entre nous sommes chroniquement exposés à des niveaux de RF qui, même si nous sommes généralement en santé et sans symptômes évidents d’électrohypersensibilité, nous présensibilisent aux RF pulsées. Les niveaux moyens de densité des RF ambiants ont été multipliés mille milliards (1 000 000 000 000) de fois dans les zones urbaines au cours des 100 dernières années — et la majorité de cette hausse s’est produite au cours des 20 dernières années, comme je l’ai démontré avec Graham Lamburn dans une affiche présentée à la conférence Childhood Cancer 2012, tenue à Londres en avril 2012. »

Alasdair Philips rappelle également qu’en général, les compteurs intelligents ne sont pas les appareils sans fil les plus nocifs utilisés dans nos maisons. « S’ils constituent un sérieux danger pour la santé (et je crois qu’ils le sont), alors les autres appareils à RF sont encore pires. Malheureusement, beaucoup de gens s’exposent volontairement à beaucoup plus de RF qu’ils recevront généralement d’un compteur intelligent », explique celui qui a fondé le site web Powerwatch.org.uk, l’un des plus complets au monde et qui répertorie des centaines d’études sur le sujet.

Ses conseils : « N’utilisez pas de téléphone sans fil (jetez-le!), utilisez un téléphone mobile uniquement lorsque c’est indispensable et seulement avec le haut-parleur ou à l’aide d’un tube à air mains libres. Sortez le Wi-Fi de la maison — obtenez un routeur filaire, plus rapide, plus sûr pour protéger votre vie privée et beaucoup plus sûr pour votre santé. Bien sûr, cela signifie de ne pas utiliser de tablette sans fil non plus! L’exposition d’un iPad utilisant le Wi-Fi est similaire à l’exposition que vous obtenez en faisant un appel de téléphone cellulaire — sauf qu’elle n’atteint pas votre tête mais le reste du corps, en particulier les seins et les testicules. De grâce, ne donnez pas une tablette à vos enfants! L’effet des RF sur la réduction de la fertilité masculine est à la veille d’être confirmé [le risque fut reconnu en octobre 2013 par l’Agence nationale française de sécurité sanitaire, alimentation, environnement, travail]. Et nous avons vu récemment des études de cas de cancer du sein causés en portant un mobile caché dans un soutien-gorge. »

Les autorités sanitaires ne sont pas de cet avis : « À ce jour, nous ne disposons d’aucune preuve que l’exposition aux radiofréquences à des niveaux émis par des appareils tels que les compteurs intelligents puisse causer des effets néfastes pour la santé ». Cette affirmation du Dr Horacio Arruda, sous-ministre adjoint à la Santé et directeur de la santé publique du Québec, vient d’une réponse qu’il a adressée, le 13 novembre 2013, à l’organisme Refusons les compteurs, qui avait demandé au ministre de la Santé, Réjean Hébert, d’exercer son devoir de vigilance en la matière.

M. Arruda a raison sur un point : aucune étude rigoureuse (à double insu) sur les effets des compteurs émetteurs de radiofréquences n’a encore été publiée dans une revue scientifique réputée. Il patine cependant quand il affirme que la puissance moyenne des RF émises par les compteurs intelligents « est très faible et inférieure à celle des émissions des appareils d’usage courant ». En fait, c’est la dose cumulative reçue 24 heures par jour qui compte : « Ainsi, les gens qui vivent à proximité d’un compteur intelligent risquent d’être exposés à ces ondes de façon beaucoup plus intense que s’ils sont à côté d’un cellulaire », explique le Dr David O. Carpenter, directeur de l’Institute for Health and the Environment et fondateur de l’école de santé publique de l’Université d’Albany, dans l’État de New York. « Si le compteur est par exemple situé sur un mur attenant à une chambre ou une cuisine plutôt qu’un garage, l’exposition peut équivaloir à celle reçue à entre 60 et 180 m de distance d’une tour dotée de multiples antennes. »)

Électricité sale

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Outre les micro-ondes qu’ils pulsent 24 heures par jour, les compteurs nouvelle génération et leurs réseaux maillés sont une source importante d’interférence électrique nocive, sous formes d’harmoniques et de hautes fréquences transitoires, souvent appelée électricité sale, affirme l’épidémiologiste américain Samuel Milham, qui a découvert qu’elles sont associées à des risques élevés de cancer. « Je connais un médecin dont les symptômes d’électrohypersensibilité ont diminué en installant des filtres Graham-Stetzer et ont disparu après le retrait de son compteur intelligent, dit l’auteur du livre Dirty Electricity : Electrification and the Diseases of Civilization. La meilleure preuve que l’électricité sale est aussi indépendamment importante est que le déficit d’attention avec hyperactivité que j’ai observé chez des enfants dans une école située près d’une antenne de cellulaire fut aussi éliminé environ 45 minutes après avoir branché de tels filtres. Et les symptômes revenaient quand l’enseignant les débranchait. Il faut savoir aussi que l’incidence élevée de cancer remarquée près des antennes de cellulaire au Brésil s’étend trop loin [jusqu’à 500 mètres] pour être causée par les radiofréquences. Dans les régions où des compteurs intelligents sont installés, on mesure des tensions terrestres plus élevés (environ 10 volts avec une onde 60 Hertz très sale) que dans les régions sans compteurs intelligents. » Bref, même si vous n’avez pas de compteur intelligent chez vous, le réseau maillé pollue quand même l’environnement extérieur et intérieur, car le réseau électrique les transmet sur le câblage de votre maison.

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Blocs d’alimentation d’appareils électroniques. (Wikipedia)

Comme tous les appareils électroniques grand public, les compteurs intelligents ont un bloc d’alimentation à découpage. En plus de convertir le courant alternatif en courant continu, ces dispositifs découpent l’onde en allumant et en éteignant sans cesse le courant. C’est pourquoi ils « génèrent un bruit relativement important, dû au signal rectangulaire (riche en harmoniques) à la fréquence de découpage », selon Wikipédia.

Or le bachelier en physique et technologue en génie électronique canadien Hugh Hinskens a expliqué à Emfacts.com pourquoi les blocs d’alimentation des compteurs seraient plus biologiquement actifs que ceux des autres appareils électroniques : comme ils sont tous conçus et construits de la même façon, ils produisent tous le même spectre d’harmoniques, qui est en phase avec la fréquence 60 Hertz du réseau électrique et de chaque compteur.

« Dans le cas des appareils domestiques comme les ordinateurs, dont les blocs d’alimentation sont plus puissants, la variété de fabricants, de designs et de composants prévient cette interférence constructive (due à la cohérence de phase) d’harmoniques identiques produites par des compteurs identiques, explique le membre de l’organisme militant Stop Smart Meters BC. De plus, les appareils électroniques grand public sont branchés dans une seule branche du câblage d’une maison, et la plus longue distance entre les branches permet de dissiper l’énergie avant qu’elle n’atteigne les autres branches ou le réseau principal. Quant au compteur, il est dans la racine des branches, alors chacune agit comme une antenne séparée distribuant mieux les harmoniques à travers la maison. Et comme le compteur est installé là où le réseau est connecté à la maison, il est plus près des compteurs des autres maisons, ce qui raccourcit le chemin que doivent parcourir les pulsations cohérentes pour se combiner aux pulsations des autres compteurs. […] L’autre possibilité, c’est que les compteurs intelligents produisent un spectre harmonique qui est particulièrement aggravant pour le système nerveux humain, car ses fréquences entrent en résonance avec lui. »

Quoi qu’il en soit, les études rigoureuses suggérant que des problèmes de santé peuvent être déclenchés par de faibles expositions aux CEM de hautes et basses fréquences se comptent par milliers. Par exemple, le rapport BioInitiative 2012 comprend un chapitre citant plus de 550 études liant l’exposition aux CEM uniquement à l’autisme. Pas surprenant que plusieurs pays, ainsi que l’Agence européenne de l’environnement (AEE), recommandent de câbler les connexions internet et de limiter l’exposition aux ondes émises par les téléphones et antennes de cellulaires. L’absence de consensus n’est pas une raison de ne pas appliquer le principe de précaution quand la santé publique risque d’être menacée de façon sérieuse, souligne l’AEE dans son rapport Signaux précoces et leçons tardives : le principe de précaution 1896-2000, rappelant les lourdes conséquences de l’inaction gouvernementale en matière de contrôle du tabac, des pesticides et des métaux lourds comme le mercure dentaire.

L’intolérance aux ondes connue au 19e siècle

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Les références scientifiques à la HSEM remontent au 18e siècle, alors que Franz Mesmer fut le premier à traiter de l’influence du magnétisme sur le corps humain. En 1868, G.M. Beard note dans le Boston Medical & Surgical Journal que les opérateurs de télégraphe souffrent d’épuisement nerveux; en 1930, des employés de General Electric sont malades à cause des effets thermiques d’un transmetteur d’ondes radio expérimental; en 1932, des chercheurs remarquent que la radiothérapie provoque des étourdissements, des nausées, des tremblements et des faiblesses; la même année, un médecin allemand, Erwin Schliephake, décrit pour la première fois la « maladie des ondes radio » dans l’hebdo médical allemand Deutsche Medizinische Wochenschrift : il souligne que ses symptômes (grave fatigue, maux de tête intolérables, grande susceptibilité aux infections, etc.) sont induits à proximité d’un transmetteur radio à des densités d’ondes ne provoquant pas d’effets thermiques. Dans les années 1950, des chercheurs russes nomment cette condition « maladie des micro-ondes ». De 1953 à 1978, le gouvernement soviétique a d’ailleurs volontairement provoqué des symptômes d’électrohypersensibilité chez les employés de l’ambassade américaine à Moscou en les bombardant de faibles mais constantes émissions de micro-ondes pulsées.

Il n’y a pas que les hypersensibles qui sont affectés par les CEM : par exemple, les champs magnétiques domestiques sont fortement soupçonnés de causer la leucémie infantile depuis 1979 et c’est en 2003 que des psychiatres confirment (dans l’hémisphère sud) les risques accrus de suicide associés à la présence d’orages électromagnétiques. Ces chercheurs postulent que c’est sans doute parce que les champs magnétiques naturels ou artificiels d’extrêmement basses fréquences (EBF) peuvent contribuer au déclenchement d’une dépression : ils réduisent la production par la glande pinéale de la mélatonine, hormone réglant l’horloge biologique et l’humeur. Les dernières études indiquent d’ailleurs que les CEM d’EBF joueraient un rôle important dans l’apparition de l’Alzheimer et même du cancer du sein : la mélatonine, qui est surtout produite par cette glande située au centre du cerveau quand le corps est dans l’obscurité et peu exposé aux champs magnétiques, est un puissant antioxydant qui freine la croissance des tumeurs et répare la matière génétique (ADN) endommagée.

Études en double aveugle
Quelques bonnes études ont démontré que la HSEM pouvait être provoquée par l’exposition aux CEM plutôt que par l’effet nocebo. La première, dirigée par le chirurgien cardiovasculaire texan Dr William J. Rea, fut publiée dans le Journal of Bioelectricity en 1991. Cette étude en trois phases se déroule en milieu très contrôlé, sans aucune pollution. Elle implique 100 personnes et permet d’identifier 25 sujets hypersensibles qui sont testés à double insu (double aveugle) : ni les chercheurs ni les sujets ne savent quand les ondes de 0 à 5 mégahertz sont émises. L’étude permet d’identifier les fréquences précises auxquelles 16 de ces sujets réagissent de façon reproductible.

Le Dr Rea cite notamment l’étude dirigée en 1987 par le physicien britannique Cyril W. Smith, coauteur du livre Electromagnetic Man. Son équipe a démontré que les personnes souffrant d’allergies multiples et sévères sont extrêmement électrohypersensibles. Les crises allergiques, qui peuvent être déclenchées par des champs électriques extrêmement faibles (dans les millivolts), incitent même le corps à excréter des CEM pouvant nuire aux équipements électroniques! Smith a démontré qu’on peut soulager l’électrohypersensibilité en exposant les patients à certaines fréquences électromagnétiques cohérentes déterminées en testant chaque individu.

Et en 2011, des chercheurs de l’Université de la Louisiane ont réussi, dans une autre étude à double insu effectuée en milieu contrôlé, à déclencher des symptômes de HSEM chez un médecin électrohypersensible. Elle fut exposée de façon intermittente à un champ électrique domestique (60 hertz) d’intensité typique (300 volts par mètre). Bien qu’elle ne pouvait pas détecter la présence de ce champ, ses symptômes (maux de tête, arythmie cardiaque, contractions musculaires, etc.) furent corrélés à son exposition aux CEM.

Québec sceptique

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Le psychologue James Rubin.

Comme plusieurs gouvernements, celui du Québec préfère citer la fameuse étude rapportée récemment dans La Presse et signée par le psychologue britannique James Rubin, étude financée par le gouvernement britannique et l’industrie du cellulaire. Publiée en décembre 2011 dans la revue Bioelectromagnetics, il s’agit d’une analyse de 29 études « de provocation » dans lesquelles des personnes qui se disaient intolérantes aux CEM furent exposées à des ondes à simple ou double insu. Seulement cinq études dites positives, dont celles mentionnées ci-haut, ont corrélé l’exposition aux symptômes, mais ces résultats ne sont pas fiables, car ils étaient isolés et ne furent pas reproduits dans d’autres études, affirme l’auteur. « À l’heure actuelle, il n’existe aucune preuve fiable permettant de suggérer que les personnes ayant une intolérance idiopathique [d’origine inconnue] attribuée aux CEM vivent des réactions physiologiques inhabituelles en raison de l’exposition aux CEM. Cela confirme la suggestion que les CEM ne sont pas la principale cause de leur mauvais état de santé », conclut James Rubin.

Or les nombreuses études négatives citées par James Rubin ont plusieurs failles majeures, souligne la toxicologue ontarienne Magda Havas dans sa réplique au dossier de La Presse. Selon ce professeur de science de l’environnement à l’Université Trent, ces études ne tenaient pas compte du fait que très peu de gens peuvent détecter des CEM, que chacun de nous réagit à des fréquences différentes et que les symptômes éprouvés par les hypersensibles se manifestent souvent à retardement. Dans ses propres études, Magda Havas a démontré que l’exposition aux CEM peut notamment affecter la glycémie et le rythme cardiaque. Elle ajoute que ces effets n’ont rien à voir avec l’effet nocebo, car les sujets furent exposés à leur insu.

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Les six compteurs intelligents installés chez les Lepage. Quatre couches de papier d’aluminium ont permis de réduire leur exposition et leurs symptômes. (Le béton ou le ciment bloque mieux les ondes sans les réfléchir dangereusement.)

C’est le cas de la famille Lepage, du quartier montréalais de Villeray, qui s’est fait installer six compteurs nouvelle génération dans sa cuisine à la fin 2011. Dans son témoignage envoyé à la Régie de l’énergie, Pierre Lepage affirme qu’il ne craignait pas les ondes radio utilisées par ses compteurs pour transmettre sa consommation électrique au réseau, bien au contraire. « Grâce à la lecture à distance, je n’aurai plus à remplir de cartes d’autorelève », nous a-t-il confié en entrevue. Deux semaines après l’installation des compteurs, toute la famille de quatre personnes fut atteinte de nausées, d’étourdissements, de perte d’appétit, de fatigue chronique, et Pierre Lepage, âgé de 36 ans, a éprouvé des palpitations cardiaques pour la première fois.

Lien avec la pollution chimique
Le Dr Dominique Belpomme collabore avec l’oncologue suédois Lennart Hardell afin de préciser les mécanismes biologiques par lesquels les CEM induisent des effets cancérigènes. Il se dit particulièrement inquiet pour ses patients souffrant de sclérose en plaques, dont une nouvelle poussée fut déclenchée par une utilisation prolongée du cellulaire, et pour trois patientes surexposées aux CEM et atteintes d’un cancer du sein.

Cet expert ajoute que plusieurs de ses patients sont aussi atteints d’hypersensibilité chimique multiple. Ses recherches s’apparentent celles de la Dre Claudia Miller, qui enseigne la médecine à l’Université du Texas, à San Antonio. Dans une étude publiée en juillet 2012 dans la revue Annals of Family Medicine, elle rapporte que sur 400 sujets atteints de maladies chroniques, 22 % avaient des intolérances chimiques dont ils étaient plus ou moins conscients. (Une étude danoise avait déjà rapporté que 27 % des gens sont plus sensibles aux produits chimiques.) Dans le numéro de novembre 2013 du magazine Discover, la Dre Miller admet avoir été stupéfaite de découvrir que plus de 6 % des gens visitant des cliniques de soins primaires pour n’importe quel type de condition chronique étaient très affectés par une perte de tolérance induite par une intoxication (ou TILT, pour Toxicant-Induced Loss of Tolerance).

Sa conclusion est la même que celle du Dr Belpomme : les individus plus susceptibles génétiquement ne se remettent pas complètement d’un empoisonnement aigu ou chronique. Leurs systèmes immunitaire et nerveux restent endommagés et ils peinent à guérir. Il faut donc agir vite avant que le vase déborde. Dès l’apparition des premiers symptômes d’hypersensibilité environnementale, ils doivent absolument réduire leur exposition aux polluants déclencheurs, au risque de devenir de plus en plus hypersensibles à des doses plus faibles d’un nombre croissant de polluants, au risque de souffrir de dommages neurologiques et multisystémiques graves.

Pour une personne au cerveau endommagé, continuer de s’exposer à de faibles doses de CEM ou de pesticides, c’est comme alimenter constamment un feu qui couve avec du petit bois, illustre Claudia Miller. « Mettez du vinaigre sur votre peau, vous ne sentirez rien. Maintenant, mettez ce même vinaigre sur votre peau, là où vous avez eu un coup de soleil. Vous pouvez deviner ce qu’il vous en coûtera », ajoute Dominique Belpomme. Comme l’expliquait la Dre Miller et Nicholas Ashford, en 1997, dans leur livre Chemical Exposures : Low Levels and High Stakes, chez les personnes susceptibles, les faibles doses répétées peuvent être tout aussi toxiques que les fortes, car elles ont des effets épigénétiques : elles modifient l’activité génétique.

Avant de devenir lui-même électrosensible, Alasdair Philips, de l’organisme Powerwatch, était un accro des premiers appareils sans fil. « Je les adorais! Je suis un ingénieur en électronique et un scientifique et j’ai travaillé presque toute ma vie entouré de CEM. Je pense que la technologie peut nous offrir des choses brillantes, mais nous avons surtout besoin de technologies qui ne nous empoisonnent pas de façon chronique, lentement mais sûrement. »

Pour Brigitte, il est bien question d’intoxication, car son état de santé s’améliore en réduisant son exposition aux CEM et en désintoxiquant son corps, notamment en continuant de s’alimenter naturellement et biologiquement depuis des années. De plus, elle a éliminé les risques d’allergies alimentaires en évitant, par exemple, le gluten, les produits laitiers, le chocolat et les arachides afin de réduire les variations glycémiques que peuvent produire les CEM dans son métabolisme. De plus, elle pratique diverses techniques de détente quotidiennement. Elle cherche toujours de nouvelles façons d’améliorer sa condition dans la mesure où il n’existe aucun traitement officiel pour le moment.

Somme toute, Brigitte affirme que son intolérance électromagnétique lui a permis de reconnaître ses besoins fondamentaux. C’est ainsi qu’elle fait maintenant totalement confiance à son ressenti. « C’est grâce à mon sens intérieur que je sais que ce que je sens dans mon corps est vrai! Maintenant, ce qui m’importe est de communiquer ce que je sais et ce que je vis dans mon corps pour aider d’autres personnes qui le ressentent à faire en sorte qu’elles se sentent moins seules. Permettez à votre sens intérieur de vous dire des choses. Faites-lui confiance! »

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Mots-clé: compteurs intelligents, électrohypersensibilité, électrosensibilité, micro-ondes, syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques

Catégorie: Électrosmog

À propos de l’auteur (Profil de l’auteur)

Journaliste de profession, André Fauteux s’est spécialisé en maisons saines et écologiques en 1990. Il a lancé en 1994 le premier magazine canadien en la matière, la Maison du 21e siècle, dont il est toujours l’éditeur et le rédacteur en chef.

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