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Elles fuient les ondes agressives…

L’HUMANITE – Société – le 2 Janvier 2012

Electrohypersensibilité

Elles fuient les ondes dans une grotte du Vercors

Allergiques aux émissions des réseaux Wifi, de téléphonie mobile ou des lignes à haute tension, Anne et Bernadette, électrohypersensibles, ont trouvé refuge dans une cavité des Hautes-Alpes.

Baumugnes (Hautes-Alpes), envoyée spéciale.

La neige est arrivée depuis deux jours à Baumugnes, commune des Hautes-Alpes chère à Jean Giono. Il faut d’abord gravir une échelle puis bien se tenir à la corde fixée le long de la paroi de la montagne pour arriver jusqu’à la grotte. L’accueil est assuré par Laure, vingt-cinq ans. C’est elle qui a eu l’idée de prévenir les médias. Inquiète et en colère de voir sa mère, Anne Cautain, ancienne femme de chambre en cité universitaire à Nice, cinquante-cinq ans, devoir à nouveau s’installer dans le creux de cette montagne pour son troisième hiver. Derrière un rideau de métal fin, une porte de Plexiglas s’ouvre.

Anne et Bernadette se présentent puis s’excusent presque de recevoir en pareil endroit. Ces deux femmes ne se connaissaient pas jusqu’au mois d’août 2010. Depuis un an et demi, elles partagent désormais leur quotidien, terrées au fond d’une grotte froide et humide pour fuir ce qui les a rendues malades, un mal invisible possiblement causé par les ondes électromagnétiques.

 Mais leur malheur, c’est que si leurs symptômes (électrohypersensibilité ou syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques) sont reconnus, le lien entre cette maladie et l’exposition aux champs électromagnétiques ne l’est pas. L’association Robin des toits, qui milite depuis des années pour l’abaissement des normes électromagnétiques et le retrait des antennes relais, notamment sur les crèches et les écoles, l’assure : 3 % de la population seraient déjà sensibles aux ondes émises par nos nouveaux compagnons technologiques, et parmi eux d’abord les téléphones portables et la WiFi.

Comment se faire entendre quand le degré d’électrosensibilité est tel qu’une vie normale est désormais impossible ? Comment Bernadette Touloumond, soixante-six ans, ancienne hôtesse de l’air, Parisienne passionnée d’histoire de l’art, a pu se retrouver à vivre un tel calvaire ? Elle raconte que c’est à partir de 2003 que sa santé a commencé à se détériorer. Des douleurs musculaires, une intense fatigue, des malaises, des troubles digestifs. S’ensuivent des années d’examens médicaux pour tenter de comprendre l’inexplicable. Jusqu’au mois de janvier 2010 : elle décide alors de noter dans un carnet à quel moment les symptômes apparaissent. Elle remarque aussitôt que c’est après plusieurs heures passées devant son ordinateur que son corps se dérègle brutalement. Il est presque déjà trop tard : comme Anne, Bernadette semble avoir basculé dans l’electrohypersensibilité, ce que le professeur Dominique Belpomme appelle « la partie émergée de l’iceberg ».

Depuis deux ans, le cancérologue a ouvert trois consultations à Paris de médecine environnementale. Aujourd’hui, il a du mal à faire face aux malades que lui envoient des généralistes, des neurologues, des psychiatres. Il a pu établir une série de 500 malades qu’il a classés en trois catégories selon leurs pathologies : l’intolérance ; la susceptibilité qui interroge la génétique ; et les électrohypersensibles (EHS) proprement dits, arrivés à un tel point d’intolérance qu’ils sont sensibles à l’ensemble du spectre des fréquences, même les plus basses. C’est la catégorie dans laquelle se trouvent Bernadette et Anne. Toutes les deux ont vu leur espace vivable se rétrécir, toutes les deux racontent l’errance pour tenter de trouver un espace possible pour dormir sans douleur…

La partie immergée de l’iceberg concerne, elle, des patients dont les pathologies liées aux ondes sont en train de naître. Impossible aujourd’hui d’établir des statistiques. Les pouvoirs publics restent sourds aux appels de ces malades véritablement handicapés. Seul le Conseil de l’Europe, dans une résolution de mai 2011, a demandé à chaque État de créer des « zones blanches » non couvertes par les réseaux sans fil. C’est également ce que réclament Anne et Bernadette.

Maud Dugrand

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